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rée de son brevet, dans l’intérêt social, il faut même le supprimer ! Puissante logique réellement ! plus un homme sera utile, moins il aura le droit d’exiger un fort salaire. Que ne dites-vous plutôt tout de suite : L’idiot qui ne sert à rien recevra de la société cent mille francs par an, l’homme de génie ne recevra pas un sou ? Et on ose présenter, en termes pompeux, de semblables sottises au Corps législatif du peuple le plus éclairé du monde, répète ce Corps législatif tous les jours. Heureusement qu’il nous est permis de discuter ses opinions et ses actes, tout en les subissant.

Eh bien, suivez ce système, supprimez le brevet et attendez le résultat : vous arriverez a celui où parviennent tous les peuples qui ne l’admettent pas dans leur législation ; vous n’aurez plus besoin de brevets parce que vous n’aurez plus d’inventeurs. Nous avons vu dans l’introduction ce qu’était le brevet sous l’ancien régime, et combien il y avait d’inventeurs. La Russie octroie une sorte de privilège facultatif et n’a pas de brevet. Jamais il ne s’y commet une invention ; la Suisse, la Sicile, la Grèce, la Turquie, la Perse, l’Inde, l’Amérique du Sud, ne connaissent ni brevets ni inventions. En Hanovre et en Saxe le brevet d’invention existe, mais pour cinq ans seulement. Ces deux pays ne voient pas éclore plus d’inventions que les autres. — Rappelez-vous ces paroles de M. Dumery : « Le brevet c’est la lumière, c’est le progrès ; et la lumière et le progrès n’ont jamais été et ne seront jamais des entraves » ; et celles-ci de M, Oscar Comettant : « Le brevet, une entrave ! mais s’il en était ainsi, plus un pays serait affranchi de concessions accordées aux inventeurs, plus il verrait son industrie prospérer, ses manufactures s’agrandir, ses hommes de génie se multiplier. En est-il ainsi ? »

Or nous venons de voir que c’est précisément le contraire qui arrive.

Au reste, le monopole que le brevet crée n’est pas si effrayant que vous voulez bien le dire.