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ple, à cet argument : la propriété est exclusive de sa nature. »

Eh bien ! et la propriété de l’inventeur, ne l’est-elle pas ? Vous dites : Voilà un champ que j’exploite seul. Il m’appartient bien en propre. Sa propriété est exclusive ; voilà une vraie propriété ; et vous niez qu’il en soit de même pour une invention.

Personne ne prend votre champ ; c’est vrai ; vous l’exploitez seul et comme vous l’entendez ; c’est vrai.

Mais grâce à qui ? au garde champêtre qui vous la protège, cette propriété ! Sans lui, est-ce que je ne pourrais pas, si j étais le plus fort, vous forcer de la partager avec moi ou de l’exploiter en commun ?

Mais vous n’admettez pas cet argument ; vous répondez par la bouche de Philippe Dupin : « A l’inverse des choses matérielles que la propriété rencontre dans la main d’un seul (la propriété intellectuelle) demeure entière pour chacun, quoique partagée entre un grand nombre ; elle est comme l’air que tous respirent, comme la lumière qui luit pour tous. »

J’avoue ne pas bien saisir le sens de cette objection : la propriété intellectuelle n’est pas le moins du monde indivise comme l’air ; elle n’est pas impalpable comme la lumière : sa première condition est de se traduire par le livre ou la machine ; or livre et machine sont deux objets parfaitement visibles et palpables.

M. Barthélémy avouait bien s dans son rapport sur le projet de loi relatif aux brevets d’invention présenté en 1843, que « rien n’est plus intimement uni à l’homme que sa pensée, » mais il ajoutait : « Il faut la protéger, » et il en arrivait à cette conclusion :

« N’est-il pas juste que l’inventeur, en retour de cette protection que lui donne la société, lui abandonne son invention au bout de quinze ans ? »

Singulière prétention, en vérité ! Dans notre heureuse