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soit valable, qu’elle sorte, comme Minerve, toute armée du cerveau de l’inventeur, pour qu’elle soit viable : chose le plus souvent impossible, puisque toute invention a une tradition. Ex nihilo nihil !

Vous vous effrayez donc à tort de la difficulté de rechercher quel est le véritable auteur d’une invention : la loi, telle qu’elle existe, voudrait disséquer les cerveaux des inventeurs pour y chercher le germe de leur invention, comme Maupertuis voulait disséquer des têtes de patagons pour y voir la nature de l’âme ; or les deux choses étant impossibles, que la loi cesse donc de courir après une chimère irréalisable ; qu’elle n’essaye pas de suivre la série des idées ; ce ne sont pas elles qu’elles doivent breveter : une idée ? Quid ? — Quelque chose d’immatériel. Vous ne pouvez la saisir que quand elle est traduite.

Pour le peintre, elle se traduit par le tableau ; pour le littérateur, par le livre ; pour l’inventeur, par la machine.

C’est celle-ci que vous devez breveter ; c’est la réalisation de l’idée et non l’idée.

Tant qu’elle n’est pas formulée, elle n’existe qu’à l’étal de rêve.

Elle n’est qu’un embryon, et un embryon ne naît pas viable ; il faut qu’il devienne fœtus.

Aussi est-ce avec raison que M. Dumery dit fort bien :

« Une nation véritablement industrielle considère la cause ou l’origine comme l’accessoire, et, pour elle, le principal c’est le résultat palpable, c’est le progrès réalisé, converti en travail manufacturier. »

Soyons donc franchement matérialiste ; ne faisons pas d’idéologie pour une chose toute matérielle. Quel est le but de l’industrie ? Faire jouir l’homme.

Mettons donc un peu de côté l’idée première , et encourageons surtout celui-là qui, s’en emparant, la matérialise par l’exécution matérielle. C’est réellement celui-ci qui rend le plus de services à la société.