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Dans son rapport sur le projet, Philippe Dupin dit avec raison :

« Un des caractères dominants de la propriété est la perpétuité. Or l’Assemblée nationale est en contradiction quand elle proclame le droit que donne l’invention, un droit de propriété, et quand en même temps elle ne garantit à son auteur la jouissance que pendant un laps de temps. »

Cela était fort vrai. Nos législateurs de 1843, hommes timides et indécis, partisans du gouvernement constitutionnel et autres Choses de transition, cherchèrent un moyen de tourner la difficulté et de ne pas retomber dans cette inconséquence. Il y en avait un bien simple : c’était de proclamer la pérennité de la propriété industrielle. Mais ce moyen, ou ils ne le virent pas, ou ils en eurent peur. Ils préférèrent retourner en arrière, remonter au delà de la révolution, jusqu’à la monarchie, supprimer la déclaration du droit de propriété des inventeurs, changer la nature du brevet, ne plus le laisser un simple acte assurant un droit, mais, merveilleux moyen de trancher le nœud gordien, en faire, de nouveau, un privilège !

Que dire d’une législation qui contient de pareils mots dans son Code ?

Ah I législateurs, vous refusez le droit de propriété à l’inventeur et vous lui concédez un privilège. Privilège ! mais ce mot vous condamne ! Tout privilège n’est-il pas une injustice de son essence ? Ah ! vous croyez que le brevet est un privilège et vous osez soutenir et réglementer un pareil abus ! A vos yeux sans doute ce privilège, délivré par une administration, est de même nature que le privilège délivré par une autre administration, aux maisons de tolérance, et je ne désespère pas, si vous ôtes logiques, de voir créer aussi un saint Lazare pour les inventeurs.

Vous n’avez même pas le courage de votre opinion ; en concédant un privilège aux inventeurs, vous prétendez commettre un acte de justice. Vous dites : — Il n’est pas juste