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reusement c’est ce qui a lieu. Le penseur ne demanderait pas mieux que de savoir s’exprimer, persuader et convaincre ; il recherche même ces qualités ; mais le littérateur pur, lui, fait de l’art pour l’art et affecte de dédaigner le penseur. Il vient alors un moment où il y a nécessairement antagonisme entre ces deux tendances ; ceux qui suivent chacune d’elles ne se comprennent plus entre eux, et ils se haïssent. Le penseur se demande ce que lui veut celui-là qui le rebute par le vent qui remplit ses phrases, et se dit un beau jour : « Si le talent d’écrire ne conduit qu’à ce résultat, à quoi bon ?... » A quoi bon ?... Voilà aussi ce que se répète l’industriel, l’ingénieur pratique en voyant la nullité des travaux des savants purs. Il les repousse et, rendant dédain pour dédain, il les rejette. De là naît aussi antagonisme entre la science et l’industrie ; elles se séparent l’une de l’autre, au lieu de s’unir tellement qu’elles ne formeraient plus qu’une seule chose poursuivant un seul but ; elles ignorent mutuellement leurs ressources et leurs besoins ; au lieu de se soutenir, elles luttent ensemble. L’industriel manque de connaissances théoriques, il le comprend ; il sentie besoin qu’il en aurait, mais il ne sait où les prendre ; il les voit si éloignées de lui, atteignant un but si contraire au sien, qu’il se rebute et essaye de s’en passer. Le savant, lui, ne fait rien de son côté pour venir en aide à l’inventeur, et s’il le voit se noyer, au lieu de lui tendre la main, il lui fait une longue démonstration pour lui prouver que s’il avait connu le cours de la rivière, il n’aurait pas perdu pied : — La fable du Maître d’École et de l’Enfant qui se noie. M. Transon dit : « Comment la science connaîtra-t-elle les besoins de l’industrie et comment l’industrie connaîtra-t-elle les ressources de la science, aussi longtemps que ces deux ordres de travaux, science et industrie, seront particulièrement affectés à des classes de la société si distincte ! l’une de l’autre ? »

Il n’y a plus de classes maintenant dans la société, ou