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savants tenaient à passer pour bons catholiques : c’est une raison à alléguer.

Mais les corps savants, qui n’avaient pas le même motif de garder le silence sur la machine de Papin, n’en tinrent pas plus compte. Son mémoire, publié dans les actes de l’Académie de Leipsick, ne fut reproduit par aucun recueil scientifique. A la vérité le physicien Hooke en parla à la Société royale de Londres ; mais il se garda bien de montrer le germe contenu dans cette machine ; il ne s’attacha qu’à en faire voir les défauts.

Plus tard le même Robert Hooke essayait de dissuader Newcomen de tenter d’appliquer la marmite de Papin à la construction d’une machine.

Et partout de même.

Quand Olivier Ewans put construire une voiture à vapeur du fruit de ses épargnes, toutes les fortes têtes, les gens sérieux de Philadelphie venaient la voir pour s’en moquer. Un ingénieur, jouissant d’un certain renom scientifique, prouva, clair comme deux et deux font quatre, qu’une voiture ne pourrait jamais rouler par l’action de la vapeur.

Quand Oberkampf importa en France l’art d’imprimer le coton, douze savants croisèrent contre lui leurs plumes et écrivirent douze mémoires.

Mais vous croyez naïvement que dès qu’une chose a réussi, les dénégateurs se taisent devant le succès. Erreur ! Quand ils ne peuvent plus nier l’invention tout entière, ils en nient l’application. Ainsi quand des bateaux à vapeur eurent accompli avec succès des voyages aux Indes, les savants et les vieux marins n’en niaient pas moins qu’on pût faire régulièrement, avec ces navires, le voyage d’Amérique, prétendant qu’ils ne pourraient franchir une distance de mille quatre cents lieues sans trouver un point de relâche.

Un savant de Londres, Lardner, apprenant que malgré toutes ces négations on allait tenter l’expérience, se mit en fureur ; il accourut à Bristol, donna des conférences, se