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reconnaître au milieu d’une pareille cacophonie ? Alors le parlement calme et digne intervenait et assurait, de par arrêt, que tel remède guérissait et que telle autre drogue tuait. C’est ainsi que les arrêts de 1566 et 1615 proscrivent l’antimoine. Ils restent en vigueur jusqu’en 1665. Mais la plupart des médecins les violaient impunément.

Alors le 10 décembre 1665, Jacques Théart présenta au parlement une requête tendant à obtenir l’existence légale de l’antimoine ; François Blondel en présenta une autre demandant le contraire. Ce fut ce dernier qui triompha. Mais Le Vignois, le doyen en fonctions, forma à son tour opposition. La procédure, une procédure gigantesque, commença alors.

Enfin, avis pris de la Faculté, quatre-vingt-douze docteurs sur cent deux finirent par se prononcer en faveur de l’antimoine.

Ce n’était pas sans peine.

Encore Blondel, fidèle à sa haine, poursuit-il le procès avec un tel acharnement qu’il se ruine et vend ses meubles en 1668.

Rien d’étonnant que l’antimoine ait soulevé tant de colères, car c’était un remède chimique, et la Faculté avait en grande aversion tout ce qui avait rapport à la chimie. Ce n’est pas qu’elle lui eût donné la définition de Nadar : « La chimie est ce qui pue. » Mais elle la regardait comme une invention diabolique, ne servant qu’à empoisonner les gens. Or elle voulait bien les tuer à force de saignées ; elle s’en glorifiait même : « N’avons-nous pas découvert la fréquente saignée ? disait la bonne Faculté. Le corps contient vingt-quatre livres de sang ; on peut en perdre vingt sans mourir ; donc... et on répétait avec Botat : Le sang dans le corps humain est comme l’eau dans une bonne fontaine : plus on en tire, plus il s’en trouve. »

Guy-Patin est un saigneur enragé ; il fait saigner sa femme douze fois pour une fluxion de poitrine, son fils