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Lactanre, qui s’écrie : « Est-il rien de plus absurde que de croire qu’il y a des antipodes ayant les pieds opposés aux nôtres ; des gens qui marchent la tête en bas et les talons en l’air ? » Voyez-vous Colomb obligé devant ses juges d’invoquer non pas la raison, mais des textes bibliques contraires à ceux-là ! Pitoyable comédie !

Mais un jour l’autorité, la tradition religieuse perdit sa cause devant la raison. A la Sorbonne succédèrent la Faculté de Paris et l’Université ; mais si la tradition changea, l’autorité resta. A l’infaillibilité papale succéda l’infaillibilité des anciens. Les savants n’invoquèrent plus les textes bibliques, ils invoquèrent Aristote et constituèrent ce que plus tard on a appelé sa docte cabale. La science se constitue une tradition d’où il est défendu de s’écarter. La Faculté de médecine dit par la bouche de Perreau : « Il faut rejeter toutes ces nouveautés autant dangereuses en religion qu’en notre art. » S’écarter de la règle devient un parjure : le récipiendaire devait s’engager par serment à ne jamais suivre d’autre doctrine que celle du maître.

La même comédie qui se joue maintenant devant l’Académie, au nom de Pascal, de Newton, de Lavoisier, etc., se jouait au nom d’ Aristote : on apportait un fait nouveau, il était réfuté par Aristote. On alléguait… « Il n’y a pas de fait qui tienne, disait un brave docteur d’un air rogue, devant deux mots d’Aristote. »

C’était Aristote pour les uns : les organogénistes n’ont longtemps juré que par lui, comme d’autres médecins ne juraient que par Galien ou Hippocrate. Galien par-ci, Galien par-là, Galien toujours ; rien qu’il n’eût prédit, prouvé, montré, indiqué. Quant à Hippocrate, c’était un dieu inattaquable, c’était au dix-septième siècle sa théorie seule qu’on devait prendre pour guide dans l’observation. Voyez ce que valent à Renaudot de la part de Guy-Patin, quelques légères paroles sur lui ! Il a commis un sacrilège ni plus ni moins.