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ne lui dit-il pas en effet : — Comment ? vous êtes un des soixante-cinq hommes les plus savants de France, et vous n’avez pas su inventer ce que j’ai inventé, moi ! simple ouvrier, qui ne suis pas même sorti de l’Ecole polytechnique dont vous êtes examinateur ?

Dire pareilles choses aux académiciens, quelle audace ! Ne dépasse-t-elle pas toute limite ? Aussi est-il facile de comprendre qu’ils regardent tout inventeur comme un ennemi, et qu’ils partagent entièrement le sentiment que Guy-Patin manifestait en ces termes, contre Renaudot : « Je voudrais le voir dans un tombereau avec le bourreau ! »

Renaudot n’était pas inventeur. 11 était surtout novateur. Les novateurs sont encore peut-être plus en exécration aux académiciens que les inventeurs, car ils apportent avec eux un nouveau danger, et par suite un nouveau motif de haine.

Le novateur est plus qu’un trouble-fête, plus qu’un importun, plus qu’un créancier, plus qu’un ennemi pour l’académicien : c’est un successeur ! qui peut ruiner ses théories et ses affirmations, qui fait ombre à sa gloire, tache à son soleil. C’est donc un duel entre eux, un duel acharné, car l’un a la vérité pour mobile, et l’autre a l’amour-propre. Aussi l’académicien emploie-t-il tout ce qui lui reste de forces pour écraser l'infâme. Mais pour lui l'infâme n’est pas le passé, c’est l’avenir. Les académiciens ont retourné le mot de Voltaire pour leur usage personnel. Cette interprétation pour nous, pour la société, pour le monde entier, cache quelque chose de très-grave. Au dix-huitième siècle, ce mot « écrasons l’infâme » était inscrit sur la bannière de la philosophie, et signifiait : « Guerre au passé avec tout son cortège de traditions, de superstitions, de préjugés, d’erreurs, d’infamies et de crimes ! » Or les académiciens se vantent de représenter le passé, et par conséquent retournent ce mot contre l’avenir. Ils donnent à l’Académie la