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se gardent-ils de leur offrir pour étrennes des instruments si bruyants. Une médaille ou toute autre récompense pour un inventeur jeune est un tambour avec lequel il troublera leur repos. Or, voulant dormir avant tout, il leur est désagréable qu’on vienne battre la charge au pied du lit sur lequel ils dorment mollement enfoncés jusqu’au cou dans une litière de pensées toutes faites. Ils sont si bien, faisant leur ron-ron comme un chat dans la cendre ! Rien ne les agite, leur chemin est fait ; ils sont arrivés, ils n’ont plus qu’à se maintenir au roc académique, comme l’huître à son rocher, et, en broutant des X, à attendre tranquillement le jugement dernier.

Comment ne détesteraient-ils pas tous ces brouillons, tous ces gens à idées novatrices, gens remuants, bouillants, turbulents, qui viennent troubler leur repos ! Comme il est bien facile du s’en débarrasser en leur disant : « Vous m’apportez quelque chose de nouveau, c’est absurde. » Réponse qui dispense de toutes sortes d’études et de travail ; c’est si vite dit, c’est bien plus commode que de chercher consciencieusement ce qu’il peut y avoir de bon et de mauvais dans un projet présenté. Les académiciens n’y suffiraient pas, les malheureux I s’ils devaient accomplir le devoir qu’ils sont censés remplir.

— « Si je m’occupais des affaires des autres, aurais-je le temps de faire les miennes ? disait tranquillement l’un d’eux à un inventeur, qui, pour la millième fois, lui demandait qu’il voulût bien examiner son projet.

Quel ennemi pour eux que l’inventeur ! quelle tête de Méduse ! Le débiteur ne voit pas arriver de plus mauvais œil son créancier. C’est un perturbateur de leur repos particulier ; et comme ils croient que leur amour du repos est généralement partagé, ils le regardent comme un perturbateur du repos public, et je suis persuadé qu’en leur âme et conscience, ils s’imaginent rendre un vrai service à la société, eu même temps qu ils s’en rendent un à eux-mêmes