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Aussi, comme la jeunesse est l’âge des violentes passions qui peuvent parfois rompre l’équilibre si nécessaire aux bonnes mœurs, les Académies se défient-elles énormément des jeunes gens.

Ils sont si fols ! Et sait-on où ils vont ? Il faut qu’ils aient des précédents pour garantir leur moralité. Sinon, que cachent les idées et les inventions qu’ils apportent : Timeo Danaos... Prenons garde !

Qu’on ne m’accuse pas de charger le tableau. Voici ce que dit M. Aymar Bression : « La jeunesse d’un inventeur est passée à l’état de principe pour le jury. Un inventeur aura beau débuter par un coup de maître... on semble se défier de lui... il faut qu’il attende, qu’il combatte, qu’il souffre, qu’il se ruine souvent, et qu’il force la porte de l’enceinte sacrée. »

Et puis il y a encore un autre danger à décerner des prix à des inventeurs trop jeunes. Je ne parle pas de l’orgueil que pourraient leur inspirer les encouragements prématurés, danger cependant qui dans l’intérêt religieux et moral doit être fort à considérer, l’orgueil étant un péché capital.

De plus l’expérience a instruit MM. les académiciens et jurés, — j’ai déjà dit que je mettais tous ces messieurs dans le même sac, — et ils sont hommes de prévoyance : ils pensent à l’avenir. Aussi disent-ils à Sax qui avait mérité la médaille d honneur par neuf inventions, toutes remarquables, présentées à l’Exposition belge de 1841 : « Il est trop jeune (!) et on n’aurait plus rien à lui offrir l’année suivante. » Ce sont les propres termes du rapport.

Mais cette raison ne pourrait bien être qu’un prétexte. Le vrai motif est que les jeunes gens sont turbulents ; les académiciens sont en général gens mariés ; — la morale l’exige, — et pères de famille. Or, ils savent par expérience que s’ils achètent un tambour à leur fils, leur fils leur cassera la tête avec le jouet. Aussi, eux, amoureux du repos,