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semble donc encore aux moutons de Panurge, il est toujours naïf et crédule ; ce qu’on lui dit, il le croit ; s’il voit un gros bonnet, vite il met chapeau bas : il est fier d’être dominé par ce bonnet ; la servitude a son orgueil, et l’inventeur qui est repoussé tous les lundis par l’Académie des sciences chante quand même les louanges de cette Académie. Qui n’est un peu Chauvin ? L’Anglais est tout aussi fier de la Société royale de Londres. Pour lui, c’est aussi le premier corps savant du monde. Le Bas-Breton est fier du jury de Landernau qui a déclaré que sa vache était mauvaise. Tout le monde savant, et à tous les degrés, exerce une pression effrayante sur la société, grâce à cette entente universelle, et de ceux à qui il fait du bien et de ceux qu’il blesse et qui ne veulent pas montrer leur blessure. Académiciens et jurys, Français et étrangers, tous corps constitués payés par l’Etat, s’abritant à l’ombre du pouvoir, administrations de la science, chargées de faire les comptes de la lumière et de la mettre en coupe réglée, vivent ainsi protégés par les cadavres de leurs victimes. Allons ! un coup de boutoir sur toute cette meute de savants braillarde et couarde, fainéante et vorace.

Ecoutez-la cette meute. Elle hurle ainsi depuis qu’il y a un corps savant. Entrez dans l’ancienne faculté. Quel tapage ! Vous vous bouchez les oreilles : qu’y a t-il donc ? Ah ! c’est un pauvre diable qui passe son examen du baccalauréat Il est sur la sellette depuis cinq heures du matin, et il est près de midi. La meute aboie, gronde, le mord, le déchire avec dents et griffes. C’est h qui en emportera un petit morceau, l’abattra, le piquera, l’écorchera ; c’est même une obligation pour chacun des bacheliers déjà reçus de courir sus à lui. 11 est le blanc sur lequel chacun doit tirer. Le voyez-vous, le pauvre hère, pendant sept heures de suite, accablé sous les traits, les lourds arguments, les subtiles arguties de toute cette foule acharnée après lui ? 11 est là seul contre tous et chacun, et tous sont sans pitié. Ils ont