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bré, plus d’ouvrage que les plus forts, ceux-ci la lui enlevèrent, et, comme il n’y en avait qu’une, ils se battirent pour l’avoir. La première fois que je revis ce chantier, l’entrepreneur me dit :

— Voyez, monsieur, à quoi servent les manches cambrés ? cela ne sert qu’à faire battre les ouvriers. »

Quelle magnifique réponse ! et que de réponses pareilles sont faites tous les jours. Quel malheur qu’on ne les enregistre pas ! ce serait un beau répertoire de la bêtise humaine.

En attendant qu’on le fasse d’une manière complète, apportons-y notre petit contingent.

J’ai lu je ne sais où une fort jolie histoire : les soufflets étaient inconnus au Chili : un voyageur croit faire une excellente spéculation en y important une cargaison complète, il fait des expériences publiques pour montrer tous les avantages de cet instrument ; il en distribue, voyant qu’on n’en achetait pas ; quelques gens, il est vrai, s’en servirent pour allumer leur feu... en guise de bois sec.

« On a dû dire de la première lampe carcel, dit Roqueplan : cela éclaire trop ! On a dû le dire du premier bec de gaz ! On a dit certainement, en Égypte, en voyant la première pyramide : « C’est trop haut ! » On disait de Rossini que sa musique faisait trop de bruit ; on dit lors de la première représentation du Juif errant que les saxtuba déchiraient les oreilles, crevaient le tympan.

Évidemment ! M. Roqueplan était bien bon de dire : « on a dû le dire ; » il eût pu affirmer qu’on l’a dit.

Il en a été de même pour le canon. Machiavel, dont Napoléon admirait le traité sur la guerre, trouve que les armes à feu sont de si peu d’effet qu’il espère qu’on en abandonnera bientôt l’usage. Montaigne est du même avis.

Et maintenant c’est bien pis ; l’homme tel que l’a construit notre société, commence toujours par avoir peur de ce qui est nouveau. Ce n’est qu’à la longue qu’il s’y habitue