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les plus fortes possible, sans se préoccuper de liberté. Elles se constituèrent, sur le modèle de l’organisation sociale au milieu de laquelle elles se trouvaient, en véritables aristocraties. Chacune d’elles prit d’abord soin de s’isoler dans son coin, bien agglomérée, bien unie, de manière qu’il ne pût y avoir de désertion ni d’intrusion dans son sein. Elles apportèrent dans leurs statuts cet esprit exclusif et orgueilleux qui était alors le maître du monde ; elles formèrent, elles aussi, de petites féodalités sur lesquelles régnaient les maîtres. Ceux-ci cherchèrent, autant que possible, à restreindre leur nombre et à faire de la maîtrise une caste héréditaire en obligeant celui qui n’était pas de leur sang à remplir, pour y arriver, une foule de conditions à peu près insurmontables. Chacun des maîtres voulut devenir un petit baron ; l’artisan fut un serf à leurs yeux.

Aussi quelles difficultés entassées à plaisir pour décourager le malheureux qui avait la haute ambition de vouloir faire partie de cette noblesse ! Il devait d’abord faire un apprentissage de cinq ans chez un seul maître et ensuite travailler pendant cinq ans comme compagnon. Dans certaines corporations, un maître ne pouvait avoir plus d’un apprenti ; les perruquiers ne devaient en prendre un que tous les trois ans. Enfin, ces dix ans de noviciat sont subis ; mais tout n’est pas terminé : le candidat doit passer au moins un an à faire un chef-d’œuvre que doivent juger des jurés choisis parmi les maîtres.

Ceux-ci, voulant restreindre autant que possible leur nombre, naturellement trouvaient son chef-d’œuvre détestable et le brisaient impitoyablement, à moins que le pauvre ouvrier n’adoucît leur rigueur à l’aide « de présents et de