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le serf ; pour lui, le salaire était au-dessous de l’aumône, la mendicité au-dessus du travail.

Quelques congrégations religieuses, il est vrai, se livrèrent à des occupations manuelles ; mais elles furent loin de laver le travail de l’ignominie dont il était souillé. Elles ne le considérèrent jamais comme le but de la vie humaine ; ce n’était qu’un châtiment, une mortification.

Dans ces conditions, le travail devait rester et resta l’attribution d’un être mi-parti esclave, mi-parti affranchi. Le serf et le vilain durent pourvoir aux besoins de la société guerrière et cléricale. « Travaille, vilain, travaille! » a dit Rabelais.

Et voyez le Symbole, comme il se rapporte bien à cet état de choses! La Bible raille le travail dans la figure de Tubalcaïn et des constructeurs de la tour de Babel ; les dieux poursuivent Hercule, le grand défricheur ; Jupiter enchaîne, sur un rocher, Prométhée, le créateur du feu ; la nature, au moyen âge, est personnifiée en Satan.

Les artisans, livrés à toutes les exactions des seigneurs, à tous leurs abus de pouvoir, un jour se levèrent, et, suivant le grand mouvement communal du douzième siècle, pour résister aux oppressions qui les accablaient ils s’unirent entre eux et fondèrent les corporations, maîtrises et jurandes, sortes de réminiscence des corps de métiers romains.

Seulement, comme dans cette société tout était privilège, comme ces corporations ne se formèrent elles-mêmes que par privilège, elles gardèrent pendant toute leur durée un caractère d’exclusion. Voulant avoir avant tout une forte organisation, elles ne cherchèrent que les constitutions