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fois qu’il touche la terre, essayant de remplir le tonneau des Danaïdes ou de rouler le rocher de Sisyphe. Effrayant tableau que celui de l’inventeur travaillant et travaillant encore, échouant et recommençant ses tentatives le lendemain. Ne sont-elles pas épouvantables les alternatives d’espoir et de désespoir, qui aujourd’hui vous portent au ciel et demain vous plongent en enfer. La vie d’un homme s’use vite dans ces luttes : bien étonnés sont des gens en apprenant qu’un écrivain, un artiste, qu’un inventeur meurent de l’enfantement de leur œuvre comme une femme meurt en mettant au monde un nouvel être. Pour vaincre toutes les difficultés qui s’entassent, qui redoublent, qui renaissent d’elles mêmes, qui se multiplient à chaque pas, qui poussent, quand elles sont vaincues, plus abondantes et plus touffues, comme les branches d’un chêne émondé, l’homme doit être fort comme une barre de fer, flexible comme l’acier. Il doit résister à la tempête, ne se laisser ébranler par rien, supporter sans plier tous les fardeaux, et puis, quand ils sont trop lourds, quand ils vont le briser, il doit s’incliner pour se redresser avec plus de force, comme un ressort qu’on débande. Rien ne doit le rebuter : il faut qu’il ne recule devant aucune difficulté, aucune répugnance, aucune douleur : l’idée est là, impérieuse, qui commande et à laquelle il doit obéir.

Alors il grimpera, comme Vésale, aux gibets pour détacher les cadavres et s’en faire des squelettes ; il se privera pendant une disette d’eau à bord de son bâtiment, d’une partie de sa ration pour arroser son plant de café comme Déclieux ; esclave pendant le jour, il triomphera du sommeil et passera ses nuits à construire son métier, comme Jacquard.

Il éprouvera, comme Stephenson, une lampe de sûreté pour les mineurs, dans une mine remplie de gaz qui pourra faire explosion au moindre contact de la flamme ; menacé à chaque instant d’être foudroyé, mais prêt à sacrifier sa vie