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que je ne fisse de bonnes pièces ; et me prins comme auparavant à travailler au dit art.

« Mais en cuisant une autre fournée, il me vint un accident duquel je ne me doutois pas ; car la véhémence de la flambe du feu avoit porté quantité de cendres contre mes pièces, de sorte que par tous les endroits où la dite cendre avoit touché, mes vaisseaux estoient rudes et mal polis, à cause que l’esmail estant liquéfié s’estait joint avec les dites cendres. Nonobstant toutes ces pertes, je demeuroy en espérance de me remonter par le moyen dudit art ; car je fis faire grand nombre de lanternes de terre à certains potiers pour enfermer mes vaisseaux quand je les mettois au four, afin que par le moyen des dites lanternes mes vaisseaux fussent garantis de la cendre. L’invention se trouva bonne et m’a servi jusques aujourd’huy.

« Mais ayant obvié au hazard de la cendre, il me survint d’autres fautes et accidents tels, que quand j’a vois fait une fournée, elle se trouvoit trop cuite et aucunes fois trop peu, et tout perdu par ce moyen. J ’estais si nouveau que je ne pouvois discerner du trop ou du peu. Aucune fois ma besogne estait cuitte sur le devant et point cuitte à la partie de derrière ; l’autre après que je voulois obvier à tel accident, je faisois brûler le derrière, et le devant n’estoit point cuit. Aucune fois mes esmaux estoient mis trop clairs et autre fois trop épais, qui me causoit de grandes pertes. Aucune fois que j’a vois dedans le four diverses couleurs d’esmaux, les uns estoient brûlés premier que les autres fussent fondus. Bref j’ai ainsi tasteté l’espace de quinze ou seize ans ; quand j’avois appris à me donner garde d’un danger, il m’en survenoit un autre, duquel je n’eusse jamais pensé. Durant ces temps-là je fis plusieurs fourneaux lesquels m’engendroient de grandes pertes auparavant que j’eusse connoissance du moyen pour les eschauûer également. Enfin je trouvai moyen de faire quelques vaisseaux de quelques esmaux entremêlés en manière de jaspe. Cela m’a nourri