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«Je m’étais associé avec un jeune homme. Il me disait, en me promenant : — Tiens tu devrais bien inventer telle chose. Et le soir je lui donnais son invention !... »

J’en ai connu un autre qui faisait des inventions en s’habillant, en déjeunant, en se promenant, en causant, en dînant, chez lui, dans la rue, au spectacle, le jour, la nuit et plus fort que feu le marquis de Boissy, qui ne bénissait l’empereur que quand il ne dormait pas, il en faisait en dormant.

C’est absolument comme ces petits commis greffiers, clercs de notaires, calicots et autres qui disent en lisant Molière ou Voltaire : « Mais ce n’est pas si malin d’écrire ! quand on a un peu d’idées !... j’en ferais bien autant, moi ! »

Malheur ! malheur à ceux-là, car leur sot amour-propre les condamne d’avance ; ils ne feront jamais rien, car ils n’ont jamais pensé.

Oh ! que le langage de celui qui a connu les luttes de l’idée est différent. Allez demander à l’écrivain quelle filière ont suivie ses idées avant qu’il ait pu les transporter sur le papier et les faire vivre I Suivez les luttes de la pensée, son cours si divers, parfois si calme, d’autres fois si tempétueux, rompu souvent, terrible et dévorant jusque dans sa tranquillité, et alors vous serez effrayé et vous ne croirez plus à la facilité que vous prêtez au cerveau d’engendrer les grandes choses ; vous aurez plus de respect pour les hommes qui sont si supérieurs à vous : apprenez à les connaître pour apprendre ce que vous leur devez, ne contemplez pas seu-Iemer.t les résultats et ne les trouvez pas tout simples ; suivez la marche qu’a été obligé de parcourir celui qui les a obtenus , et alors vous ne vous effrayerez plus de la fortune qu’il pourra faire si on lui reconnaît la propriété de son œuvre.

Le voyez-vous seul avec sa pensée, la nuit, à la lueur de sa lampe, combinant, calculant, cherchant à harmoniser toutes les parties de son invention, demandant à l’observa-