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jour, de se manifester hautement, de devenir un fait pratique. A qui donc sont dues la gloire et la propriété d’une nouvelle invention ? Cette gloire que demain un homme pourra venir vous disputer, cette propriété dont il est impossible de suivre la tradition, peuvent-elles exister ?

Question immense, sous ses apparences subtiles, que celte filiation de l’idée, car c’est d’elle que dépendent les droits des inventeurs ; et il m’est impossible de ne pas l’aborder en finissant ce paragraphe, quoique j’y revienne dans le chapitre consacré spécialement à la propriété industrielle.

Que nous disent tous ces faits ? que l’idée est d’abord un avorton, qui ne peut marcher, qui ne peut se soutenir, mal bâti, tortu et bossu comme Quasimodo : cette idée est un embryon. Elle périt, si un homme profitant de l’expérience de ses devanciers, fort de la science actuelle, ne vient pas à son secours, ne la pétrit pas, ne la remanie pas, ne la fait pas passer par le corset de fer de son cerveau, ne l’emboîte pas dans un brodequin inflexible, ne la redresse pas envers et contre tous, et un jour ne la tire du coin où il l’avait cachée, par honte de sa faiblesse, de ses difformités, pour la présenter au monde, droite, grande, belle et forte, en disant :

— Voilà mon enfant, et cet enfant est un messie !

Mais au lieu d’être deux, ils ont pu être vingt à la redresser successivement. A qui sera la gloire ? à qui sera le profit ?

Sans manifestation, néant. A celui qui l’a tenue dans bon coin, qui n’a pu encore la faire assez belle pour la produire, à celui qui l’a travaillée en silence, sans rien dire à personne, à celui-là : Rien 1 — à peine un souvenir.

Rien ! ai-je dit. J’entends d’ici les clameurs qui accueillent ce mot. Rien ! mais n’est-ce pas une indigne et une odieuse spoliation ; mais en refusant tout bénéfice à celui