Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sible ; son idéal n’est pas le développement des forces individuelles, il est leur compression. Et ne se rendent-ils pas coupables du crime de lèse-humanité, ces gouvernants qui, terrifiés par tout ce qui est grand et fort, voudraient arrêter la sève, mêler l’eau au sang pour paralyser toute énergie ; qui disent hautement que leur tâche est de modérer l’essor des individus, qui osent avouer que le présent est leur but, qu’à leurs yeux l’avenir est le mal, et qui, pour ce motif, présentent la plus grande résistance possible à tous ceux qui veulent pousser l’humanité en avant, dans quelque chemin que ce soit ? Est-ce le rôle qu’ils doivent jouer ? Le mandat que leur donnent les peuples est-il un brevet de geôlier ? et s’il n’est au contraire qu’une simple procuration, l’exécutent-ils en les enfermant dans des digues étroites que ne peuvent briser que des colères amoncelées ? Et alors, s’ils manquent à leur devoir, le leur n’est-il pas de réclamer contre la manière dont ils remplissent la mission qu’il leur a confiée ? Ne doivent-ils pas élever la voix pour toutes les énergies qu’ils oppriment, pour toutes les forces qu’ils font se consumer et s’épuiser dans une lutte stérile contre les mailles du filet avec lequel ils les enserrent ?

C’est pourquoi nous écrivons ce livre, car au nombre de ceux qui souffrent le plus cruellement de ce système de contrainte est l’inventeur, astre à courbe excentrique, se heurtant sans cesse contre les planètes qui accomplissent tranquillement leur course et brisent par leur puissance d’inertie ceux qui viennent les choquer. Il a un grand malheur : il est trop puissant pour s’astreindre à la vie de mollusque qui semble l’idéal de la majorité des Français ;