Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que soient les ressources quelles offrent, ne sont jamais aussi commodes que les bibliothèques particulières, il faut que celles-ci puissent se multiplier à bas prix. La librairie fait de louables efforts dans ce sens. La Bibliothèque nationale , la Bibliothèque utile, et quelques autres publications du même genre, doivent donner d’excellents résultats. Que la liberté devienne plus grande, que les journaux ne soient plus soumis à l’impôt écrasant du timbre, et alors une foule de connaissances variées, diverses, pourront être plus facilement répandues. Chaque Français aura son journal, chaque commune son organe, comme en Amérique. La lumière brillera pour tous.

La plus nécessaire des libertés de ce genre est la liberté du colportage. En ce moment, seuls peuvent circuler les ouvrages les plus faux et les plus arriérés. Pour recevoir la bienheureuse estampille, il faut qu’un livre ne parle que du bon Dieu, de ses saints, etc., et condamne le progrès. La Clef des songes, voilà un ouvrage précieux et inoffensif qui peut passer partout ; mais la Science du bonhomme Richard est dangereuse. Les membres de la commission du colportage sont faciles à effaroucher. Ils ont sans cesse peur que l’esprit révolutionnaire ne vienne troubler la tranquillité dans laquelle sont plongées les classes inférieures. Ils posent leur éteignoir sur tout livre qui contient les aspirations de l’esprit moderne. Ils ne laissent passer que les bons livres, c’est-à-dire des ouvrages ennuyeux et niais qui, au lieu de répandre dans les populations le goût de l’instruction, le désir d’apprendre, ne font au contraire que les en éloigner.

Il est urgent, il est nécessaire, vous voyez, que notre éducation soit changée profondément ; il ne faut plus qu’il y ait un homme à ne pas savoir écrire ; il ne faut plus que nos lycées soient des étouffoirs, que nos écoles ne produisent que des bons à tout et propres à rien ; il ne faut plus que nos ouvriers soient encore soumis à l’apprentissage