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RÉGION DU CENTRE-NORD.

médailles et à couronnes, parviennent à s’enrichir par toutes les voies détournées qui donnent une force temporaire aux pratiques les plus paradoxales, combien d’autres propriétaires se maintiennent à peine, combien se ruinent dans cette voie ? Combien n’y trouvent de salut qu’en divisant leurs domaines et en les louant à des fermiers ? Combien sont conduits à les vendre, à des prix relativement énormes, aux pères de famille dont le travail est irrésistible et qui viennent battre ces domaines tout à l’entour, comme les flots de l’Océan viennent miner la terre ferme ?

En présence des maigres produits obtenus sur d’immenses surfaces sans population, le grand propriétaire est obligé de reconnaître qu’avec toutes ses machines, toutes ses combinaisons, tous ses calculs, il n’est qu’un impuissant pygmée auprès du peuple des champs ; géant aux mille bras infatigables, invincibles ; hercule qui produit plus de pain, de vin, de viande et de sang humain, sur les parcelles de terre qu’il cultive avec cœur, avec amour, avec force, qu’il n’en faut pour payer les immenses et stériles guérets de celui qui avait rêvé de le dépasser et de lui donner des leçons. Le propriétaire songe bientôt à escompter son impuissance contre la richesse du paysan : il vend alors, à un prix usuraire, ce sol qui refuse de répondre à ses combinaisons fiévreuses ; et le paysan l’achète sans hésiter, car il sait, lui seul aujourd’hui, quelle est la valeur de la terre quand c’est le travailleur des champs qui l’épouse.

Ce que je viens de dire là se passe à peu près ainsi dans le Loiret : avec la vigne, avec le safran, avec du blé, des racines, des fruits intercalés, avec une ou deux vaches, un ou deux porcs, avec ses bras, son activité, son énergie, le père de famille, ouvrier de ses champs, achète à 1 p. 100