Page:Guyot-Jomard - Manuel breton-francais, 1863.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces richesses ne sont qu’empruntées. Ce ne sont bien souvent que des mots français ou latins accommodés au goût, au génie et à la prononciation des Bretons. Ces termes ne sont pas ori­ ginairement celtiques ; ils ne sont bretons que par adoption, et loin d’enrichir la langue, ils ne servent qu’à corrompre et à altérer sa simplicité…. Au reste, il n’est pas surprenant que cette langue soit au­ jourd’hui si peu abondante, il ne nous en reste presque aucun monument par écrit. Le plus ancien qu’ait trouvé Dom Le Pelletier (1) est un manuscrit de 1450, qui est un recueil de prédictions d’un prétendu prophète nommé Guinglaf. Il a tiré quelques secours de la vie de S. Guenolé (2), premier abbé de Landevenec, écrite en vers, et d’un petit drame dont le sujet est la prise de Jérusalem par l’empereur Titus en 71. Enfin, il a encore trouvé un ancien livre breton fait à l’usage des prêtres et des curés, c’est une espèce de dictionnaire des cas de conscience. Telles sont les richesses littéraires des Bretons : l’on jugera par cette énumération que les bibliothèques de ceux qui ne parlent pasd’autre langueque leBas-Breton, ne sontpas fort nombreuses. Ce qu’il y ad’étonnant, c’est qu’on ne trouve pas un seul acte écrit en Bas-Breton (3).

(Préface de Dom Taillandier, éditeur du dictionnaire de D. Le Pelletier, 1752.)


(1) Né au Mans, le 20 Janvier 1663, dom Le Pelletier entra fort je une dans la congrégation de St-Maur, et il eut toujours un goût très décidé pour les antiquités. Le long séjour qu’il fit en Basse-Bretagne, lui donna l’idée d’approfondir celles de la langue cel­tique. Dès l’an 1700, il s’appliqua à la composition de son Dictionnaire, qui pourrait être considéré comme un chef-d’œuvre d’éru­dition (Le Gonidec), et il n’acheva de le mettre en état qu’en 1717. D Le Pellelier travailla pendant quelque temps à la nou­velle édition du Dictionnaire de Du Cange, mais dégoûté du séjour de Paris, il laissa à d’autres le soin de la finir et retourna en Bretagne, où il est mort en 1733, dans la célébre abbaye de Landevenec, située près de Châteaulin (même préface).

(2) Guen ol é signifie il est tout blanc. (3) Ce dernier chapitre, perdu en tête d’un gros in-folio assez rare, nous a paru d’autant mieux placé à la fin de ce Manuel, que la science du XIXe siècle, malgré l’habileté et l’étendue de ses investigations, ne semble pas arrivée, sous le rapport de l’o­rigine des langues, à des conclusions essentiellement différentes.