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langue de cette île la même révolution que les Barbares avaient causée dans celle des Gaules. Ceux d’entre les Bretons qui se soumirent aux Saxons, reçurent les lois et la langue de leurs maîtres; d’autres jaloux de leur liberté, se retirèrent dans les montagnes du pays de Galles où ils ont conservé très-longtemps la langue de leurs ancêtres. Une troisième partie passa la mer, pour se mettre à l’abri de la fureur des Saxons et vint chercher un asile dans l’Armorique, qui reçut, dit-on, de ces nouveaux habitants le nom de Petite-Bretagne.

Mais il ne faut pas croire pour cela que les Armoricains aient reçu la langue qu’ils parlentencore aujourd’hui des Bre­ tons insulaires : ils avaient comme ceux-ci, conservé leur langage. Situé et pour ainsi dire acculé à l’extrémité de la Gaule occidentale, ce peuple n’avait eu que très-peu de com­ merce avec les Romains, et il fut longtemps sans en avoir avec les Français. — Ceux qui prétendent que la langue celtique avait été abolie dans l’Armorique, et qu’elle n’y fût rapportée que par les Bretons insulaires, ne font pas attention que si ceux-ci ont pu conserver leur langue, malgré la domination des Romains, les Armoricains ont pu également conserver la leur.

L’idiome celtique n’est donc pas une langue morte, mais une langue vivante, qui a subsisté jusqu’à nos jours dans le gal­ lois d’Angleterre et que l’on retrouve dans le Breton. Et quoi­ que ces deux dialectes paraissent différents au premier coup d’œil ; ils sont tellement les mêmes que les Bretons et les Gallois s’entendent et peuvent se parler sans interprètes ; qui­ conque conserverait quelque doute sur ce point n’aurait qu’à ouvrir le dictionnaire de Dom le Pelletier ; il y trouverait les mots du breton d’Angleterre à côté de ceux de notre Bas-Bre­ ton. et il se convaincrait par ce parallèle qu’ils appartiennent à une même langue....

Quelques lecteurs seront peut-être surpris du peu d’étendue decette langue telle qu’on laparle aujourd’hui. Pour peu qu’on y réfléchisse, on comprendra qu’elle ne peut être fort abon­ dante : les termes d’art, de science, de commerce, de poli­ tique et de la plupart des métiers lui sont inconnus. Renfer­ mée dans les campagnes, elle ne met en œuvre que les terlnes de la maison rustique, et ceux qui servent à donner lés no­ tions les plus communes de la vie civile. Fdle paraît, riche en synonymes : l’on trouve quelquefois cinq.ou six mots pour exprimer la même chose ; mais si l’on y regarde de bien près,