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Grecs a résisté à toute la puissance des Romains, et elle a échappé au naufrage des temps.

Toutes ces causes défigurèrent la langue gauloise ; mais ce qui acheva de la rendre méconnaissable, fut ce déluge de bar­­bares qui désolèrent au Ve siècle les plus belles provinces de l’Empire romain. Tous ces peuples avaient leurs idiomes ; il était bien difficile que la langue gauloise déjà altérée et pres­­que subjuguée par le latin, pût se conserver dans cette con­­fusion générale. Il ne faut pas croire cependant qu’elle se soit éteinte tont d’un coup ; ces révolutions ne se font que par de­­grés et par des déclins insensibles. Il est vraisemblable que le peuple des Gaules parla encore longtemps la langue celtique. Nous la voyons encore en usage du temps de Sulpice Sévère, qui vivait au commencement du Ve siècle. Ce pieux et savant écrivain nous fait entendre qu’on la traitait alors de grossière et de rustique, et si le latin était la langue vulgaire des hon­­nêtes gens, il paraît que la langue celtique n’avait point encore cessé au Ve Siècle de l’être parmi le peuple, et parmi ceux qui ne se piquaient pas de politesse.

Les Francs, qui firent la conquête des Gaules après les Ro­­mains à partir de 420 environ, apportèrent avec eux une nouvelle langue. Gette langue qui était le Tudesque (vieil al­­lemand) était celle des conquérants, du Prince, de la Cour et des grands. Il n’est pas douteux qu’elle ne fît de grands progrès parmi ce peuple, et il paraît qu’au IXe siècle, elle était langue vulgaire avec celle qui s’était formée du mélange du Celtique avec le Latin.

Sur les ruines de ces trois langues s’éleva en France un idiome composé de celtique, de latin et de tudesque. C’est celle qu’on appela langue romane, et qui après des progrès bien lents, et presque insensibles, est enfin parvenue au point de perfection, où nous la voyons aujourd’hui sous le nom de langue française. Si l’on y regarde de près, on y trouve encore une quantité de mots celtiques. C’est dans cette classe qu’il faut ranger ceux dont l’origine n’est ni latine, ni tudesque ; ces restes de la langue gauloise se sont encore mieux conservés dans les patois des provinces ; il n’en est pas une seule où l’on ne retrouve grand nombre de mots celtiques.

Tandis que la langue celtique se perdait peu à peu dans les Gaules, elle s’éteignait insensiblement dans la Bretagne insu­­laire. Les Romains d’abord, et ensuite les Anglo-Saxons, qui domptèrent et assujettirent les Bretons, causèrent dans la