Page:Guyot-Jomard - Manuel breton-francais, 1863.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 151 —


Cependant bientôt toutes les fleurs se fanent et tombent, les fruits nouent et croissent sur les branches qui commen­cent à ployer sous le fardeau pesant ; le soleil, en prenant de la force, les colore par sa chaleur. Chacun s’approche, les uns les cueillent avec la main, les autres secouent la branche ; on ne voit de tous côtés que des pommes, tous les sacs, tous les paniers sont pleins ; chacun charge son épaule d’un fardeau pesant, la grande voiture est remplie jusqu’au comble, les quatre bœufs s’arrêtent tout court, le cheval vi­goureux est essoufflé. L’essieu de fer lui-même craque sous son poids. Déjà j’entends le pilon frapper sur la pomme, le pressoir qui crie pour serrer la masse ; je vois se précipiter de la tablette, un ruisseau de cidre doux comme le miel ; Je vois les barriques les tonnes remplies, et bientôt toutes les chopines pleines sur la table. Tout le monde est joyeux, les voix s’élèvent ; et même les demi-muets caquettent à qui mieux mieux. Buvez, ô mes compatriotes, étanchez tous votre soif, oubliez un instant vos pénibles travaux. Cepen­dant, veillez bien, au sein de la joie, et n’abusez pas des dons de Dieu. Chaque chose a des bornes, chacun doit être réglé dans le boire, s’il ne veut pas mal faire.


Gardez dans un lieu frais, votre meilleure boisson pour les travaux si pénibles de l’été, gardez-en pour le beau jour, pour le jour heureux où vous marierez quelqu’un de vos enfants.

Si vous ne voulez avoir des bestiaux de peu d’apparence et de peu de valeur, n’élevez encore chaque année que les meilleurs veaux, et, si vous ne m’en croyez pas, écoutez l’histoire d’un pauvre laboureur de notre pays :