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Non ! C’était bien Thionville, mais ce doux nom français n’existait plus et partout je voyais écrit en grosses lettres noires : Diedenhofen !

Je me sauvai sur la route, en mordant mes lèvres pour ne pas pleurer, et je me dirigeai rapidement vers Daspich. Arrivé près du village, je pris le sentier détourné que j’avais suivi six mois auparavant, en revenant de Nancy !

Et je pensais à tout ce qui s’était passé depuis ce moment-là ; aux quelques instants heureux qui s’étaient alors écoulés près de ma mère et de Wilhelmine ; aux saintes espérances qui nous montraient encore l’avenir un peu joyeux !

Je pensais à tout cela et j’osais à peine lever les yeux vers la maison que j’apercevais déjà.

Je dus m’arrêter pour calmer les battements de mon cœur et reprendre un peu de sang-froid. Je ne sais quelle crainte secrète m’empêchait de courir, comme autrefois, lorsque je revenais au village.

Enfin j’arrivai devant la maison : tout était triste et silencieux. Je poussai la porte vivement, et je vis la vieille Magdeleine, qui pleurait, assise devant l’âtre, où brillait un maigre feu !

À ma vue, elle poussa un cri et vint se jeter presque morte dans mes bras.

« Ma mère, demandai-je, où est ma mère ? »

Et je regardais partout, personne ne venait. Magdeleine toute pâle, les yeux gonflés par les pleurs, ne pouvait parler…

« Ma mère, ô Magdeleine, dites-moi la vérité, où est ma mère ?

— Elle est au ciel, dit-elle enfin.

— Morte ! Ma pauvre mère !… »

Et je tombai sur le plancher !

Quand je pus reprendre un peu mes sens, recueillir mes idées, grâce aux soins empressés de Magdeleine, je donnai un libre cours à mes larmes. J’errais dans