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une forte armée prussienne forma un cercle étroit autour de la ville et le blocus commença, avec ses cruelles souffrances.

Oh ! quelle situation douloureuse que celle d’une population enfermée dans une enceinte de fer, au milieu d’ennemis qui lui ôtent toute relation avec le reste du monde !

Non ! Vous ne pouvez vous figurer la torture morale qu’on éprouve !

Chacun se demandait ce qu’on faisait dans la France libre encore, ce que nos armées étaient devenues. On avait entendu le canon du côté de Metz ; le 31 août, toute la journée, il avait retenti, tantôt se rapprochant, tantôt s’éloignant.

Chacun s’écriait :

« C’est Bazaine qui sort, il va venir à Thionville, il va traverser les Prussiens qui cernent Metz ! »

Et l’on courait sur les remparts, regardant au loin si les Français n’arrivaient pas. Tout le monde espérait dans Bazaine, et cette idée n’est tombée que le jour où la chute de Metz fut connue.

Souvent aussi le canon se faisait entendre du côté des montagnes, et chacun de s’écrier :

« Mac-Mahon arrive : il se joindra à l’armée de Metz et malheur aux Prussiens ! »

Ainsi, chaque jour, l’imagination exaltée de la population enfantait de nouveaux rêves, et cependant rien ne venait nous rassurer !

Plusieurs sorties, souvent heureuses, ranimaient le courage et des troupes et des habitants. Des prises importantes furent faites sur les Allemands et on rentrait en ville avec les prisonniers et les voitures capturées, au milieu des cris de joie du peuple.

Quelquefois aussi, des parlementaires venaient aux portes, sommer la ville de se rendre, et vous jugez comme on les recevait !

Un soir, dans les premiers jours de septembre, une