à tout instant, une nouvelle victime venait s’ajouter à celles qui étaient déjà tombées sur le champ de bataille !
J’avais hâte de quitter cette rue sombre, où la triste guerre m’était apparue pour la première fois dans toute sa réalité et mon cœur sembla soulagé d’un poids pesant, quand je me vis seul dans la campagne. J’avais lu sur la dernière maison du village que je venais de quitter, ce nom gravé dans ma mémoire : Verny[1] !
Je traversai encore quelques hameaux qui semblaient déserts, tous situés dans un vallon, sur les bords d’un large ruisseau.
Mais la faim qui me tiraillait l’estomac, et surtout la soif, me firent sentir que l’heure était avancée.
J’étais arrivé sur la grande route de Château-Salins à Metz : cette ville avait disparu, cachée derrière les côtes.
À l’entrée d’un village, à droite de la route, je m’arrêtai mourant de soif près d’une fontaine, d’où j’essayai en vain de tirer de l’eau au moyen d’une roue de fer. J’avais beau tourner, rien ne venait. Un paysan, qui d’un champ voisin m’avait aperçu, me cria :
« C’est inutile de tourner, il n’y a plus d’eau. La sécheresse et le passage de la cavalerie allemande ont épuisé le peu d’eau qui nous restait.
— Où donc pourrais-je avoir seulement un verre d’eau ?
— Venez avec moi ! »
Le brave homme me conduisit à travers le village, jusqu’à sa maison, qui était blanche et très propre pour un tel endroit.
« Entrez, me dit-il, il est midi, et nous allons dîner : vous mangerez la soupe avec nous, et vous aurez un verre de vin, au lieu d’eau. »
- ↑ Chef-lieu de canton, à quelques kilomètres de Metz.