un violent coup de poing dans le creux de l’estomac : il pâlit et tourna sur lui-même.
Ces gens sont lâches ! Ils crient et menacent, quand on paraît craindre, mais qu’on résiste, ils reculent. Aussi les deux autres hésitèrent. Cependant je vis briller des couteaux et je ne sais ce qui serait advenu, si les chants cadencés d’un régiment allemand, qui approchait, n’eussent mis en fuite mes adversaires. Je continuai ma route, maudissant cette foule de bohémiens, qui, à la suite de l’armée prussienne, s’étaient introduits en France.
Il fallait les voir avec leurs figures maigres et rougeâtres, leurs longs cheveux roux et leur barbe inculte. On les reconnaissait à leurs grandes pipes de porcelaine, à leur costume sale et bariolé. Tantôt ils portaient une culotte de soldat, sous une longue capote de juif polonais, et des bottes hautes et larges ; tantôt un chapeau à bords relevés et un manteau gris, plein de pièces de toutes couleurs.
Ils arrivaient par bandes nombreuses, comme les corbeaux après une bataille. Dans leur voiture, traînée par un maigre cheval, grouillait pêle-mêle toute la famille, hommes, femmes et enfants : femmes sèches et rudes, comme les vieilles sorcières de Shakespeare, et comme les tziganes de la Valachie ; enfants sauvages et idiots ; armée de pillards qui, sous prétexte de fournir l’armée prussienne, s’installaient en maîtres chez les pauvres paysans, et les pillaient sans pitié !
Malheur aux voyageurs attardés qui rencontraient ces brigands ! Malheur à la maison isolée qui se trouvait sur leur passage, car dans les villes, ils n’osaient se montrer hardis !
En voyant de loin la longue file de leurs voitures, je pensais à ces hordes du moyen âge, qui envahissaient les nations voisines et venaient sans façon prendre la place des premiers habitants.