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En somme, le beau, croyons-nous, peut se définir : une perception ou une action qui stimule en nous la vie sous ses trois formes à la fois (sensibilité, intelligence et volonté) et produit le plaisir par la conscience rapide de cette stimulation générale. Un plaisir qui, par hypothèse, serait ou purement sensuel, ou purement intellectuel, ou dû à un simple exercice de la volonté, ne pourrait acquérir de caractère esthétique. Seulement, disons-le vite, il n’est pas de plaisir si exclusif, surtout parmi les plaisirs supérieurs, comme ceux de l’intelligence. Rien n’est isolé en nous, et tout plaisir vraiment profond est la conscience sourde de cette harmonie générale, de cette complète solidarité qui fait la vie : l’agréable est le fond même du beau.

Il résulte de ce qui précède qu’en fait d’émotion, rien de ce qui est superficiel et partiel, rien de ce qui toucherait un organe spécial sans retentir jusqu’au fond même de l’être, ne mériterait vraiment le nom de beau. La théorie qui tend à identifier le plaisir du beau et le plaisir du jeu, malgré les éléments vrais qu’elle renferme, est donc dans sa direction même opposée à la vérité. Le propre du jeu, en effet, c’est de n’intéresser à lui que l’organe ou la faculté

    vu dans la première jeunesse, ne produit guère une aussi forte impression que la petite cascade de Swallow-Fall, à Bettws-y-Coed.» (Mind., oct. 1880). Chez une nature très impressionnable, c’est juste le contraire qui serait à craindre : Swallow-Fall pourrait produire l’impression du Niagara. Chez un tempérament comme celui de M. Grant Allen, l’émotion esthétique, étant le produit de comparaisons et de réminiscences à demi-conscientes, doit être peu rapide, plus durable qu’intense, plus susceptible de raffinements avec l’âge que délicate de prime abord.