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CHAPITRE VI
DE LA BEAUTÉ DANS LES SENSATIONS
PRINCIPE MORAL DE LA GRÂCE

Nous n’avons analysé jusqu’ici que la beauté des mouvements et celle des sentiments ; mais c’est surtout sur la théorie des sensations que s’appuient MM. Spencer et Grant Allen pour ramener le plaisir esthétique à un simple jeu de nos organes excluant tout but utile. Les sensations esthétiques, en effet, par exemple la vue d’une belle couleur, d’un dessin, d’un feu d’artifice, semblent rester pour la plupart superficielles, sans influence visible sur le développement général de la vie. Au contraire, les mouvements expressifs, comme ceux de la joie ou de la bienveillance, et les sentiments de toute sorte, comme les diverses formes de l’amour, viennent du plus profond de notre être, qu’ils intéressent tout entier ; ils ressemblent à une onde venue du fond de la mer, qui marque une émotion sourde de toute la masse, tandis que les sensations esthétiques, comme celle de la vue et de l’ouïe, sont la ride passagère produite par un caillou jeté du bord. Ne semble-t-il pas alors qu’on ait raison de réduire les plaisirs de ce