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CHAPITRE V
DES CONDITIONS DE LA BEAUTÉ DANS LES SENTIMENTS.
PRINCIPE MORAL DE LA GRÂCE

L’école de l’évolution a eu raison de chercher dans les lois mécaniques du mouvement l’explication de ses qualités esthétiques les plus superficielles ; mais, nous venons de le voir, il ne faut pas s’arrêter là. On ne peut considérer les membres mus indépendamment du moteur, la force dépensée indépendamment de la volonté qui la dépense pour un but. La beauté supérieure des mouvements est donc d’emprunt ; elle vient de plus haut : c’est à la sphère de la volonté et des sentiments que nous devons nous élever pour en trouver l’explication.

Par l’effet de l’habitude et de l’association, tout mouvement a fini par représenter pour nous un sentiment, un état de conscience ; toute manifestation de la vie extérieure est devenue à nos yeux une manifestation de la vie intérieure. À ce nouveau point de vue, la beauté des mouvements résidera surtout dans l’expression, et elle grandira à mesure que le mouvement traduira au dehors une vie plus élevée, plus intellectuelle et plus morale. Le mouvement