non moins que jeu et virtuosité. Aussi l’art tend-il à produire des actions de même nature que celles qu’il exprime. Mais le plus souvent nous substituons à l’action indiquée d’avance telle ou telle autre mieux d’accord avec nos occupations actuelles, et qui décharge pourtant le trop-plein de force nerveuse accumulée par l’émotion. C’est ainsi que l’art cesse d’être dangereux ; tout en nous portant à agir, il ne fixe pas d’une façon catégorique l’action que nous devons accomplir. De là un nouveau sens possible de la Κάθαϱσις d’Aristote, de la « purification des passions par l’art ; » l’art est un excitant des passions, mais cette excitation est trop générale pour qu’on ne puisse substituer une passion à une autre et traduire en un acte particulier, fort louable, l’émotion générale inspirée par tel sentiment esthétique de l’origine la moins pure. H. Beyle, ce profond observateur, raconte qu’un jour (il aimait alors je ne sais quelle personne) la musique le rendit plus énamouré que jamais ; il crut d’abord que cet art avait sur l’amour une influence particulière. Mais il se rappela que l’année précédente, où il songeait au moyen d’armer les Grecs, la même musique avait éveillé son ardeur avec la même intensité, mais en la tournant du côté de ses recherches d’alors. L’expression vive d’un sentiment, quand nous en sommes témoins, fait sans doute monter en nous le ton de ce sentiment, mais elle fait aussi monter par sympathie le ton de tous les autres ; par cela même nous sommes portés à agir en tous sens.
L’émotion esthétique la plus vive, la moins mêlée de tristesse, se rencontre chez ceux où elle se réalise immé-