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sième pied, l’autre après le sixième[1] vous obtiendrez un des vers les plus harmonieux de notre langue, surtout lorsqu’il est disposé en strophes :


Oui, c’est Dieu — qui t’appelle — et t’éclaire !
À tes yeux a brillé sa lumière,
En tes mains il remet sa bannière,
Avec elle apparais dans nos rangs. (Scribe.)

L’air est plein d’une haleine de roses. (Malherbe.)


Si un vrai poète s’emparait de ce rythme, il pourrait produire le plus grand effet ; car ces deux césures se succédant si rapidement à temps égaux donnent le sentiment d’une harmonie toujours présente, et l’oreille est bercée sans que rien d’inattendu ou de disproportionné vienne la surprendre. La monotonie serait le seul inconvénient de ce vers, si on voulait l’employer pour un trop long poème.

Quant au vers de onze pieds, l’impossibilité où l’on est de le diviser en parties égales ou offrant des rapports simples, nous semble vraiment le condamner. Le voici sous ses deux types, avec la césure après la cinquième ou après la sixième syllabe :


Belle dont les yeux — doucement m’ont tué (Ronsard.)
Et le ciel ne voit point — d’amant plus heureux (Voiture.)


Il a toujours l’air d’un alexandrin manqué ; l’inégalité des deux hémistiches produit l’effet d’une dissonance revenant

  1. De ces deux césures, c’est évidemment la première qui est la plus indispensable.