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pour des vers faibles et mal venus qu’où se permet ces cacophonies, bien plus choquantes que les hiatus. Selon une théorie vraiment scientifique du vers, nous croyons ces licences injustifiables[1].

  1. M. Becq de Fouquières, qui cherche à les excuser en déclarant que le vers romantique est un vers d’un type nouveau, compte presque quatre césures dans l’alexandrin classique ; il en compte trois seulement dans le vers « romantique, » et il en conclut que le second a seulement les trois quarts de la durée du premier. Ce sont là des affirmations un peu fantaisistes, et c’est même, croyons-nous, tout le contraire de la vérité. Le vers classique n’a, en général, que deux forts accents rythmiques et qu’une véritahle césure ; le vers dit « romantique » multiplie les accents rythmiques et les césures ; de plus, il accumule les idées et les phrases, et à chaque phrase nouvelle il se trouve coupé naturellement de virgules ou de points. Aussi est-il non seulement aussi long, mais fort souvent phis long que le vers classique ; dans le même nombre de pieds, il fait tenir plus d’idées et plus de mots sur lesquels la pensée et la voix puissent s’appesantir. Ces deux vers :


    Le duel reprend. La mort plane, le sang ruisselle.
    Durandal heurte et suit Closamont ; l’étincelle…


    ont une durée égale et même supérieure à ces deux autres :


    Hippolyte lui seul, digne fils d’un héros.
    Arrête ses coursiers, saisit ses javelots.


    La chose est si évidente que nous n’insisterons pas. Quant aux vers sans césure normale que M. Becq de Fouquières vient à proposer en les justifiant par cette étrange théorie du « vers romantique, » il suffit de les citer sans commentaire (ce sont des vers de V. Hugo arrangés par M. Becq de Fouquières ; nous corrigeons une faute laissée par lui dans le premier) :


    Tout était sec, hors un peu d"herbe autour du puits…
    Les Arabes firent la nuit sur la prairie…
    La tempête est une sœur des longues batailles…
    Prends le rayon, prends l’aurore, usurpe le feu…
    Il est grand et blond, et l’autre est court, pâle et brun…


    Tout ce qu’on peut dire de ces vers, c’est qu’ils valent bien ceux