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syllabes peu importantes : je ne la… Ainsi la césure allonge le sixième pied et en raccourcit d’autres par compensation. On a dit qu’elle marquait un repos, une suspension de la voix ; ce n’est pas très exact, car, si la voix insiste à cet endroit, elle peut fort bien ne pas se suspendre, et le doit même dans la plupart des cas. — À la première variété de rythme que nous venons de constater s’enjoignent bientôt beaucoup d’autres. En effet, outre le temps fort marqué par l’hémistiche, les accents toniques qui peuvent se rencontrer dans les autres syllabes du vers leur donnent aussi plus d’intensité et plus de durée. Dans ce vers de Molière :


La pâle est aux jasmins en blancheur comparable,


la diction ne fait guère ressortir que pâle, jasmins, blancheur, comparable, et encore dans ces mots insiste-t-elle davantage sur les accents toniques â, in, eu, abl ; elle se plaît à faire entendre les accords vocaux que représente chacune de ces voyelles ou de ces diphtongues ; les autres syllabes du vers rentrent dans l’ombre : elles pourraient s’exprimer en doubles croches ou du moins en croches rapides et assourdies. Alors la phrase musicale de l’alexandrin, si monotone au premier abord, se varie et se nuance de toutes manières. Aucun vers bien fait ne doit ressembler de tous points à celui qui le suit ou le précède ; chacun a son individualité, chacun garde son rythme propre, parfois assez compliqué : on y rencontre entre les syllabes des différences délicates de durée et d’intensité qui parfois