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plus longs il n’existait pas de beauté assez grande, pour justifier l’effort que demande toute phrase musicale dépassant ce temps normal.

Dès maintenant nous pouvons nous rendre compte de la constitution de notre vers français. Avec ses douze notes supposées égales en durée et qui se subdivisent en groupes de six, il forme une phrase de deux mesures à deux temps, ordinairement à , parfois à , souvent mixtes. Dans cette phrase la sixième note (hémistiche) tombe sur le temps fort de la première mesure, et la douzième sur le temps fort de la seconde. En notant ainsi deux vers à la suite l’un de l’autre, on obtient une phrase musicale parfaitement correcte et carrée[1]. Il y manque encore la variété de rythme ; mais nous allons l’y introduire par degrés. Remarquons d’abord que la syllabe de l’hémistiche et celle de la fin du vers, tombant sur un temps fort, tendent à gagner non seulement en intensité, mais en durée ; elles se prolongent et empiètent un peu sur les autres syllabes, dont les plus brèves deviennent des doubles croches. Dans ce vers de Racine par exemple :


Si je la haïssais, je ne la fuirais pas,


la voix, après avoir insisté sur le mot haïssais, tend à se précipiter sur le reste du vers et principalement sur les

  1. Voici comme exemple deux vers de Racine du rythme le plus simple et le plus typique :
    
\new RhythmicStaff {
  \time 6/8 \autoBeamOff
  r8 c c  c c c
  c c c  c( c) c
  \afterGrace c( c) c c  c c c
  c c c  c c c
  \afterGrace c( c)
}
\addlyrics {
  \tiny
  Ce n’est plus une ar -- deur dans mes veines ca -- chée,
  c’est Vé -- nus tout en -- tière à sa proie at -- ta -- chée.
}