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les grands vers le principe de la césure), puis la rime ; c’est à l’étude de ces deux éléments qu’on pourrait réduire toute la science du vers. Cette science a été l’objet, depuis quelques années, d’un certain nombre de travaux. Outre quelques pages très suggestives de M. Herbert Spencer, il faut mentionner particulièrement un ouvrage du savant éditeur d’André Chénier, M. Becq de Fouquières, où il a tenté de donner une théorie complète de la versification française[1]. Pour nous, nous croyons que, le vers étant à la fois un système de sons vocaux (c’est-à-dire de mouvements physiologiques) et un système de pensées ou d’émotions, la science du vers doit s’appuyer tout ensemble sur la physiologie et sur la psychologie. C’est donc à ce double point de vue, physiologique et psychologique, que nous nous placerons pour examiner la nature du rythme et de la rime, leur origine, leur importance relative et leurs chances de durée. Nous rencontrerons, chemin faisant, les doctrines poétiques du romantisme, exprimées avec beaucoup d’esprit et d’exactitude par M. de Banville, ce défenseur convaincu de la rime riche (et aussi de la cheville)[2] : nous aurons à voir jusqu’à quel point le vers romantique

  1. Voir M. Herbert Spencer, Essais de morale et d’esthétique, t. I, (trad. Burdeau) ; M. Becq de Fouquières, Traité général de versification française (Charpentier) ; M. Renouvier, Études esthétiques (Critique philos., 3e année). — Voir aussi l’ouvrage de M. E. Gurney The power of Sound (London) et un intéressant petit traité de M. Johannes Weber sur les Illusions musicales.
  2. Voir M. de Banville, Petit traité de poésie française (Charpentier). M. de Banville s’est souvent inspiré d’un volume aujourd’hui assez rare (Prosodie de l’école moderne, de Wilhem Tenint, 1844), dont il exagère beaucoup les théories.