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mieux à un être vivant sera la plus belle. Aussi la question de savoir si les progrès de l’industrie sont antiesthetiques nous paraît se ramener à celle-ci : les machines les plus parfaites construites par l’industrie se rapprochent-elles ou s’éloignont-elles du type des êtres vivants ?

À cette question la réponse ne paraît pas douteuse : l’industrie, qui cherche à éviter toujours davantage les frottements et les dépenses inutiles de la force, cherche parce même à produire la continuité et l’aisance dans les mouvements de ses machines, c’est-à-dire à les rapprocner du type des êtres vivants. PUis nous irons, plus nos mécanismes paraîtront vivre d’une vie propre et bien coordonnée ; plus le battement de nos balanciers se régularisera pour mieux ressembler à celui des cœurs ; plus la vapeur l’eau ou l’air circuleront sans soubresaut dans les grandes artères de fer ; plus les mouvements visibles des bras d’acier prendront l’apparence de la spontanéité et de la facilité. En somme l’idéal de l’industrie, étant l’économie de la force, est bien la vie ; car c’est dans la vie que la force est le plus épargnée, c’est là le foyer qui produit le plus en dépensant le moins ; or la vie est l’idéal même de l’art.

S’ensuit-il que, dès maintenant, toutes les machines de l’industrie humaine offrent des types de beauté que puissent reproduire la peinture ou la sculpture ? Non, les œuvres actuelles de l’industrie paraissent vivre, mais à la façon des monstres. Leurs figures mêmes rappellent parfois les premières ébauches tentées par l’imagination de la nature, les mammouths et les plésiosaures. La principale