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manger seuls. — Ainsi se pose un second problème, relatif à l’avenir de l'art et de la poésie.

Enfin, les artistes eux-mêmes contribuent de nos jours à déprécier l'art en le réduisant à une pure question de forme, de procédés et de savoir-faire. Les peintres vantent ce qu'ils appellent, dans le trivial argot du métier, la patte et le chic ; les poètes vantent la rime riche. La forme devient l'unique objet de la préoccupation générale ; et non seulement en théorie, mais en fait, l'art semble un simple jeu d'adresse, où c'est une preuve de force que de tricher quelquefois, de savoir leurrer les yeux ou les oreilles. — De là un troisième problème, relatif à la forme de l'art et surtout de la poésie, l'art qui semble le plus abaissé depuis un certain nombre d'années.

Ces trois problèmes dont nous venons de parler sont essentiels ; ils sont, en conséquence, de tous les temps, mais ils ont une particulière « actualité » à notre époque de science positive. Sans vouloir attribuer à l'art le caractère mystique qu'on lui a donné quelquefois, nous nous proposons de rechercher s'il consiste simplement, comme l'affirment les philosophes et les artistes contemporains, dans un jeu de couleurs ou de sonorités. Le principe de l'art, selon nous, est dans la vie même ; l'art a donc le sérieux de la vie. L'objet de notre livre tout entier, c'est d'établir ce caractère sérieux de l'art et surtout de la poésie 1o dans son principe et son fond, 2o dans son développement futur, 3o dans sa forme même,