Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE III
L’ANTAGONISME DE L’ART ET DE L’INDUSTRIE MODERNE

Suivant quelques esthéticiens, tels que MM. Ruskin et Sully Prudhomme, l’industrie humaine deviendra de plus en plus incompatible avec l’art. Les machines inventées aujourd’hui offrent beaucoup moins de prise à l’imagination que celles d’autrefois ; fes machines de demain en offriront moins encore : c’est que, suivant M. Sully Prudhomme, les premières machines grossières inventées par l’esprit humain étaient bien plus « représentatives de leurs moteurs ; » un mouhu à vent, par exemple, éveille aussitôt l’idée du vent qui doit le mettre en branle, un bateau à voiles de même. Au contraire, la vapeur, l’électricité sont des moteurs mystérieux dissimulés à l’intérieur de nos machines. Peut-être même viendra-t-il un jour où la force de la vapeur sera bien plus despoliquement gouvernée par le mécanicien, grâce à l’invention de quelque nouveau combustible moins volumineux et d’un métal plus résistant ; « alors la machine à vapeur se dépouillera de son énorme appareil extérieur pour se réduire à une forme de petites