le peuple qui en aura fait sa forme de gouvernement une véritable dégénérescence cérébrale, ce peuple disparaîtrait : la lutte pour la vie est, en effet, la loi des peuples ; la force la plus puissante dans cette lutte est l’intelligence, et si la démocratie déprime l’intelligence, supprime le génie, elle ne saurait triompher dans l’avenir : les peuples qui triompheront seront ceux qui auront le génie pour eux, conséquemment l’art. La vérité est que la forme des gouvernements n’a pas d’influence directe sur le cerveau de l’artiste. En aurait-elle d’une manière indirecte ? L’œuvre d’art a-t-elle besoin pour naître de certaines conditions civiles et politiques que la démocratie ne pourrait lui fournir ? Tel est le second point que nous devons examiner.
L’artiste demande avant tout, pour travailler et produire, la liberté : il l’a sous un gouvernement démocratique, il ne l’a pas toujours ailleurs, et le despotisme de l’État ou les entraves des castes ont certainement privé l’humanité d’une partie de ses grands hommes. — L’artiste a besoin aussi d’une demi-indépendance par rapport aux nécessités de la vie ; en d’autres termes, il lui faut ee morceau de pain quotidien que Berhoz allait manger, en l’assaisonnant de raisins secs, au pied de la statue de Henri IV : l’artiste pourra d’autant mieux rencontrer ce pain de chaque jour, que les conditions sociales seront moins inégales et que tout travailleur pourra compter sur un salaire. Sans doute, il n’aura point à espérer la modique pension donnée et retirée à Corneille par une main royale, ni l’aumône de 100 francs accordée à Camoëns par Sébastien ; mais aussi il n’aura point à faire l’office de courtisan, ce