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CHAPITRE PREMIER
L’AVENIR DE L’ART ET DE LA BEAUTÉ D’APRÈS LA STATISTIQUE ET LA PHYSIOLOGIE

Les savants qui nous prophétisent que la poésie et les arts disparaîtront par degrés s’appuient sur un certain nombre de faits : les uns sont empruntés à la physiologie et à l’histoire, les autres à la psychologie. — Examinons d’abord ce que les sciences naturelles et historiques nous apprennent sur le milieu où l’art peut vivre.

L’art, pour arriver à son plein développement, exige autour de l’artiste comme chez l’artiste même un culte de la beauté dont le peuple grec nous a donné l’exemple. Les Grecs — M. Taine aime à le répéter — avaient pour la pureté de la forme, pour la proportion harmonieuse des membres, pour les belles nudités un amour poussé jusqu’à l’adoration ; la beauté offrait à leurs yeux un caractère sacré, et Sophocle, encore éphèbe, avant de chanter en public un hymne aux dieux de la Grèce vainqueurs à Salamine, jetait bas ses vêtements devant l’autel. Ce culte de la beauté se retrouve à la Renaissance, au moment de la grande éclosion de tous les arts en Italie : un membre, un muscle,