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LIVRE II


LES PLAISIRS DE L’AME
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CHAPITRE PREMIER


LA SÉRÉNITÉ INTELLECTUELLE ET MORALE. — LA SCIENCE OPPOSÉE PAR ÉPICURE A L’IDÉE DE MIRACLE


I. — Le plaisir de l’âme supérieur à celui du corps, comme embrassant à la fois le présent par la jouissance, le passé par le souvenir de la jouissance, l’avenir par l’anticipation de la jouissance — Transformation nouvelle apportée dans le système d’Epicure par l’introduction de l’idée de durée.
II. — Obstacles au plaisir de l’âme : trouble produit par l’ignorance du monde extérieur et la superstition qui en dérive. — De la superstition à l’époque d’Epicure. — Que le paganisme n’était pas la religion riante et bénigne qu’on se représente d’habitude. Epicure « libérateur » des hommes enchaînés par la religion. — Analogie avec la lutte des utilitaires modernes contre la religion de leur époque. — La « physiologie » épicurienne, ou recherche des causes naturelles des phénomènes. — La logique épicurienne, qui place dans l’expérience sensible le criterium du vrai. — La science victorieuse des dieux.

Nous avons déjà vu, sous l’influence de l’idée de durée, se transformer la doctrine d’Epicure ; la même idée à lui fournir un moyen terme pour passer du plaisir des sens au plaisir de l’esprit, sans pour cela établir entre l’esprit et les sens une différence irréductible.

I. — Jusqu’à présent, nous n’avons considéré la vie que comme une succession de plaisirs et de douleurs distincts les uns des autres ; il semble qu’à un moment donné il peut y avoir simplement ou un plaisir ou une douleur, et que chacune de ces sensations, au moment