n’est pas sûr qu’elle échappe à ceux qui sont préposés pour châtier ces sortes d’attentats[1]. » Ainsi, sans les gardiens de la justice et de la paix publique, point de paix ni de justice.
Mais, dira-t-on, pour que la crainte des lois retînt le coupable, il faudrait qu’il fût sûr d’être découvert et puni ; ne peut-il pas espérer de ne pas l’être, de déjouer tous les soupçons, d’échapper à toutes les recherches ? — Sans doute, répondra Epicure, il est possible qu’il se dérobe à son châtiment ; mais ce n’est jamais réel, sinon après sa mort. Celui qui saurait l’avenir pourrait commettre des injustices, parce que seul il saurait si ces injustices échapperont à la justice humaine ; et non seulement il le pourrait, mais il le devrait, si ces injustices lui procuraient une vie heureuse. Par malheur, comme personne ne sait l’avenir, dans le doute, dit Epicure, abstiens-toi : « Celui qui a violé secrètement en quelque chose le contrat réciproque conclu par les hommes, ne peut avoir la confiance qu’il échappera au châtiment, même s’il y échappe une infinité de fois dans le présent ; car il n’est pas certain « qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin[2]. » Toute sa vie le coupable est donc dans l’incertitude, l’attente, le trouble. « Le juste est éloigné de tout trouble ; l’injuste est rempli du trouble le plus grand[3]. » Mais le trouble, n’est-ce pas le pire des maux ? Le sage se gardera donc de l’injustice, comme il se garde par exemple de l’intempérance ; car les choses qui sont des biens en elles-mêmes peuvent devenir de grands maux par leurs conséquences.
Il est impossible, comme on voit, de prendre sur ce point en défaut la logique d’Epicure : l’intérêt est l’unique règle pour les individus et pour les nations[4].
- ↑ Ἡ ἀδικία οὐ καθ΄ ἑαυτὴν κακόν͵ ἀλλ΄ ἐν τῷ κατὰ τὴν ὑποψίαν φόβῳ͵ εἰ μὴ λήσει τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων ἐφεστηκότας κολαστάς. Diog. L., x, 151.
- ↑ Οὐκ ἔστι τὸν λάθρα τι ποιοῦντα ὧν συνέθεντο πρὸς ἀλλήλους εἰς τὸ μὴ βλάπτειν μηδὲ βλάπτεσθαι πιστεύειν ὅτι λήσει͵ κἂν μυριάκις ἐπὶ τοῦ παρόντος λανθάνῃ· μέχρι γὰρ καταστροφῆς ἄδηλον εἰ καὶ λήσει. Diog. L., x, 151.
- ↑ Ὁ δίκαιος ἀταρακτότατος͵ ὁ δ΄ ἄδικος πλείστης ταραχῆς γέμων. Ibid., 144.
- ↑ Toutefois, outre l’avantage extérieur qui s’attache à l’observation de la justice, il faut ajouter d’autres considérations plus vraiment morales. La vertu de la justice réalise non-seulement au dehors, mais dans l’individu même, une sorte d’harmonie et de justice