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CONCLUSION U7

monstruosités qu’elle avait enfantées au hasard, et enfin, au-dessus de notre terre couverte encore de tant d’horreurs, élève et soutient le ciel étincelant ? M. Spencer cite, en les interprétant dans le sens de sa pensée, ces vers sublimes où le poète s’efforce de montrer qu’il n’y a point d’art supérieur à la nature et que la nature elle-même, par le développement de sa vie, suffit à réaliser graduellement l’idéal :

Il n’y a pas de moyen de rendre la nature meilleure ; Mais la nature elle-même fait ce moyen : au-dessus de cet art Qui, croyez-vous, ajoute à la nature, est un art Que crée elle-même la nature.

— Il y a, pourrait-on répondre, un moyen de rendre la nature meilleure : c’est de vouloir qu’elle soit meilleure. Par cette seule volonté du bien idéal, le bien commencera déjà à se réaliser. S’il n’est pas de moyen extérieur pour rendre meilleur le monde, si nul démiurge travaillant par le dehors et modelant les surfaces des choses ne pourrait y parvenir, il existe, nous le répétons, un moyen suprême, qui est de vouloir. A vrai dire, je porte en moi la nature : ne suis-je pas l’être qu’elle s’est plu à parfaire et dans lequel elle a comme personnifié toutes ses tendances et ses aspirations ? Que cet être, de sa propre volonté et sans se décourager jamais, élève au-dessus de lui un idéal supérieur et tente de le réaliser : de l’élan qu’il s’imprimera, il soulèvera la nature ; en se rendant meilleur, il l’aura rendue meilleure.

Si, selon la parole antique, c’est un art, et le plus beau de tous, que la vertu et la beauté morale, on peut vraiment dire de cet art qu’il ajoute à la nature : la volonté, inépuisable source, introduit à chaque instant dans le monde quelque chose de nouveau. Tandis que l’art inférieur y met des formes nouvelles, l’art supérieur et moral, la bonté, y ajoute sans cesse des pensées, des volontés nouvelles, et par là, providence humaine, il refait et crée sans cesse une plus parfaite nature.

FIN

GUYAU. 27