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DEUXIÈME PARTIE CRITIQUE

INTRODUCTION

Toute doctrine, œuvre sincère de la pensée humaine, doit renfermer une part de vérité. Critiquer, c'est sim- plement montrer que cette partie de la vérité n'est pas le tout ; la critique n'est que la limite imposée par la raison aux systèmes, qui sont eux-mêmes limités par les choses. En fixant ainsi le point où s'est arrêté l'effort de l'intelligence, la critique fixe précisément le point que l'intelligence doit dépasser ; elle lui ouvre un nouvel espace par delà celui qu'elle avait déjà parcouru ; en un mot, elle agrandit l'horizon intellectuel, qu'un système avait voulu ramener à ses proportions toujours trop étroites. En abordant ici la critique sincère et patiente de la morale anglaise, nous ne voulons nullement entreprendre une réfutation ni démontrer la fausseté de la doctrine que nous soumettons à l'examen. Disons plus : cette doctrine nous paraît sur plusieurs points parfaitement irréfutable : elle repose sur les trois grandes lois physiques et psycholo- giques d'association, d'évolution et de sélection, que tout penseur sérieux est aujourd'hui plus ou moins forcé d'ad- mettre. Nous voulons si peu contester de tels principes, qu'au besoin nous les défendrions de toutes nos forces. Seulement, une fois admis tous les faits qu'invoque en sa faveur l'école anglaise, nous nous demandons si elle pourra fonder sur ces faits seuls une morale vraiment com- plète; ne fait-elle point même fausse route en le tentant?