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AVANT-PROPOS

de les défendre au besoin contre certaines objections superficielles, de marquer enfui le développement graduel et révolution de leurs doctrines souvent si profondes et si vraies. Plus tard, — quand la critique succède dans cet ouvrage à la simple exposition, — nous avons naturellement recouvré notre indépendance : au lieu de parler pour ainsi dire par procuration, nous avons dû parler pour notre propre compte et chercher toutes les objections possibles. Selon nous, exposer et critiquer sont deux choses absolument différentes, opposées même, et qu’il ne faut jamais mêler. Celui, qui critique une doctrine doit mettre autant d’ardeur à en marquer les points faibles que celui qui l’expose à en découvrir les qualités. Nous avons ainsi soumis en quelque sorte les doctrines anglaises à deux débats contradictoires. Mettant aux prises l’école anglaise et les écoles dérivées de Kant, qui semblent actuellement dominantes en France, nous avons fourni à l’une comme aux autres le plus d’arguments que nous avons pu : le lecteur pourra ainsi mieux juger entre elles. Chacune a d’ailleurs sa part de vérité.

Les systèmes anglais dont nous entreprenons ici fexposition, la critique et aussi la justification partielle, ont été longtemps accueilhs avec grande défiance dans notre pays. Maintenant encore, malgré la réaction légitime qui se produit actuellement en leur faveur, beaucoup de gens tiennent ces doctrines pour suspectes, s’effrayent de leurs conséquences, et, comme ils les craignent, ils tâchent de les connaître le moins possible, de les réfuter avant même de les comprendre. Cette ignorance volontaire est fréquente : que de doctrines on combat ainsi par l’inertie, en leur opposant quelques vieilles objections rebattues sans vouloir les approfondir en conscience ! Quand il s’agit de morale