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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

efforts moteurs pour réaliser les premières ou se dérober aux secondes. L’animal qui se représente sa proie, ou même qui la voit, n’a pas besoin de penser l’espace ni la direction pour avoir l’intention de l’avaler et pour commencer les efforts moteurs nécessaires. Direction, à l’origine, c’est simplement intention, c’est-à-dire image d’un plaisir ou d’une peine et des circonstances concomitantes, puis innervation motrice. De l’intention, peu à peu consciente de soi et de ses effets, sortira la direction proprement dite et avec elle l’étendue.

Il en est de même pour le temps. Le futur, à l’origine, c’est le devant être, c’est ce que je n’ai pas et ce dont j’ai désir ou besoin, c’est ce que je travaille à posséder ; comme le présent se ramène à l’activité consciente et jouissant de soi, le futur se ramène à l’activité tendant vers autre chose, cherchant ce qui lui manque. Quand l’enfant a faim, il pleure et tend les bras vers sa nourrice : voilà le germe de l’idée d’avenir. Tout besoin implique la possibilité de le satisfaire ; l’ensemble de ces possibilités, c’est ce que nous désignons sous le nom du futur. Un être qui ne désirerait rien, qui n’aspirerait à rien, verrait se fermer devant lui le temps. Nous étendons la main,